Résumé du troisième master-class de l’UET Conception Lumière 2015 par Markéta Vopelková et Liina Soosaar.
Session du 8 avril 2015 à l’ENSA Nantes
OLIVIER CHARRIER
Scénographe et concepteur lumière
FORMATION
Olivier Charrier a commencé à s’intéresser à l’histoire de l’art et à l’art en général pendant ses études au lycée technique (ébénisterie). Il a deux formations supérieures : l’École des Beaux-Arts de Dijon et l’École d’Architecture de Paris-la-Villette. Il a eu ensuite plusieurs expériences en agences, chez Concepto et Itinérance.
Grâce à son passage de deux ans à l’Institut Français d’Architecture, il a découvert la scénographie d’exposition.
Pendant sa participation à l’atelier Rainer Verbizh, il a appris, au contact des scientifiques, comment transcrire des contenus scientifiques et culturels. En 2000, il a créé l’Atelier Emergence.
PROJETS
Olivier Charrier essaye de travailler avec l’ensemble des éléments du cadre bâti. Il aime travailler avec la phénoménologie. Il souligne que quand on crée un espace, on crée avec la lumière. Il a choisi de présenter ses trois projets qui ont la lumière au cœur de leur dispositif.
Mise en lumière colorée du tunnel du Pont Noir à Angers
- Décembre 2013
- Maîtrise d’œuvre : RFR
- Ingénierie : SNC Lavalin
- Conception lumière : Olivier Charrier – Atelier Emergence
- Budget : 75 000€ HT
Ce tunnel est une liaison importante qui mène vers la gare. Avant, il y avait de gros tubes fluorescents. Les trottoirs n’étaient pas très agréables pour les piétons.
Au début du projet, il a essayé plusieurs variantes avec des projecteurs placés au plafond ou au sol. Au final, il y a des lanternes LEDs pour l’éclairage de la voirie au plafond et un éclairage du trottoir cycles/piétons intégrés dans le garde-corps.
L’installation de réglettes LEDs Rouge, Vert et Bleu dans les garde-corps sert à la création d’une animation lumineuse en ombres colorées.
Pour expliquer et convaincre les clients, il a fait des essais et a pris des photos d’effets de lumière sur son mur. Après, l’avoir vus, le client a finalement validé le projet.
« Ce projet est une petite poésie dans l’espace urbain »
Olivier Charrier
Comme le mur est recouvert avec des plaques céramiques immenses, elles génèrent pleins de reflets de la lumière.
La crypte de l’abbaye Saint-Martin de Ligugé
- 2002-2007
- Budget : 110 000HT
- Maîtrise d’œuvre : en coll. avec Jeanneau (ACMHS) & Batel (Bet Elec)
C’est un projet de restauration, de mise en valeur de la crypte et du clocher. Pour illuminer ce patrimoine, le projet a duré cinq ans.
« J’aime bien l’archéologie et l’histoire… »
Olivier Charrier
Avant on descendait à la crypte avec une torche. Il y avait des cailloux sur le sol. L’idée était de restaurer cette crypte. Un des éléments déclencheurs importants était le dessin des archéologues. Olivier Charrier a essayé de le synthétiser. Il a choisi trois périodes importantes : période gallo-romaine, carolingienne et du 11e siècle (roman).
On descend par l’escalier. On arrive au centre de la crypte et on regarde l’éclairage qui est autour. Le scénario du projet permet de comprendre les différentes phases de construction et l’histoire de cette crypte. C’est comme un vrai spectacle avec de la sonorisation et des effets lumineux.
Pour l’illumination, Olivier Charrier a utilisé des disques à fibre optiques. Il n’y avait pas de LED à l’époque. Chaque disque dispose de huit couleurs différentes. « On a fabriqué des verres spéciaux ». Les cônes de spots peuvent avoir des angles différents. Par exemple, pour éclairer des strates historiques, c’est seulement 5°. Il y a une optique au bout de chaque bras. Les spots sont programmés par l’ordinateur. Il pilote également le son.
Pour l’écriture du scénario, un tableau d’Excel a été créé. Ça permet de séquencer les choses. Ils ont harmonisé le son avec la lumière.
Au final, c’est la voix qui a influencé le mouvement de la lumière. Normalement, 5 minutes pour montrer quelque chose au spectateur suffit, ici c’est 10 minutes de spectacle.
Le projet n’était pas très facile. Il était limité par l’effet patrimoine. Quand on éclaire de la pierre, toutes les couleurs ne fonctionnent pas forcément bien. Pour pallier ce point, il y a trois types de blanc. Le « blanc chaud », il vient directement de la lampe pour éclairer la pierre, est magnifique sans aucune couleur. Généralement, pour mettre en valeur la pierre, on utilise principalement les couleurs blanche, jaune ou orange, explique Olivier Charrier, et ça marche très bien.
Ce projet est difficile à montrer en photo. Quand nous sommes au milieu de la crypte, il n’y a pas beaucoup d’espace. Il faut la visiter et la voir en vrai !
L’hôtel-dieu de Baugé
- 2006
- Budget : 50 000 € HT
Ce projet présente la muséographie de la salle des malades de l’Hôtel-Dieu de Baugé, sur la médecine au XVII° siècle. L’intention consistait en un projet de mise en valeur de la salle de malades par un parcours d’exposition entre l’apothicairerie et la chapelle.
La première chose à faire était de peindre tout en blanc. L’espace se dévoile différemment. Pour la salle des malades, Olivier Charrier a trouvé l’inspiration dans le rythme des fenêtres et dans les réflexions sur le sol.
Pour conserver cette sensation d’espace, il a proposé d’utiliser des draps de coton pour le fond de l’espace d’exposition, comme un filtre de lumière.
Il a éclairé des lits avec des spots pour donner une lumière chaude comme un contraste entre la lumière naturelle et artificielle. Dans la chapelle, il a éclairé le plafond et a ajouté de petits spots pour mettre en valeur les tableaux.
« Je n’ai jamais utilisé de grosses sources de lumière, je préfère plutôt les petites. Je trouve que le projet est un dialogue entre la lumière et l’architecture. Il y a des projets qui permettent la lumière et d’autres qui ne la permettent pas.
Ce n’est pas seulement l’architecture qu’on va éclairer – il faut créer une architecture lumineuse, qui a sa propre lumière. Il faut également intégrer de la lumière dans le processus du projet, voir comment la matière va révéler un volume de lumière. J’ai été formé par des éclairagistes qui ont travaillé dans le théâtre.
Pour aborder la lumière, il faut imaginer l’espace comme un lieu d’immersion.
Par exemple, comment dessiner la lumière dans un volume ?
C’était un exercice à l’école des Beaux-Arts.
Je n’aime pas la lumière « qui fait décor ». Il faut raconter quelque chose par la lumière. C’est la grande question dans l’éclairage – pourquoi ?
En éclairant, on peut dire « regardez ! ». Ça priorise l’espace.
Expérimentez avec les sensations – manipulez ! »
Olivier Charrier
Photographies et documents : Olivier Charrier – Atelier Emergence.
Résumé de Markéta Vopelková et Liina Soosaar.